jeudi 17 novembre 2011

Comment j'ai appris le Castillan

En Juin 2010, pour répondre à une proposition passionnante, j'ai fermé mon bureau et suis parti prendre un nouveau poste à Madrid, pour une durée d'un an.

A part quelques phrases très élémentaires, je ne parlais pas l'Espagnol.

J'ai donc retroussé mes manches et me suis mis à l'ouvrage. Il n'était pas envisageable de passer un an avec des nouveaux collègues, et une nouvelle équipe, sans parler leur langue. C'est une question de respect, d'efficacité, et aussi d'ailleurs de plaisir personnel. 

Tout d'abord, une précision, il ne s'agissait pas d'apprendre l'Espagnol (ca n'existe pas !) mais le Castillan (el Castellano).

En effet il y a plusieurs langues officielles en Espagne (voir aussi http://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_d%27Espagne) :

  •     le Catalan
  •     le Basque
  •     le Galicien
  •     l'Aranais (Val d'Aran)
  •     et bien sur, le Castillan 

Pour apprendre le Castillan donc, voici comment je m’y suis pris. Ceci a fonctionné dans mon cas, tout n'est certainement pas transposable à d'autres exemples, mais je vous laisse faire votre marché ..... 

Les 6 premiers mois je me suis efforcé de travailler/apprendre une heure par jour sur support pédagogique. Pour cela je me suis doté dès le départ de deux outils et d'une méthode de travail :

  • Le premier outil est le livre « L’Espagnol en 90 leçons » (édition 1970 !). Faire une leçon par jour, et rapidement réviser les précédentes. Au bout d’une semaine systématiquement chaque jour revoir la leçon de la veille. Au bout de 6 semaines réviser les précédentes par groupe de 5. Et recommencer sans cesse !
  • Du point de vue méthode personnelle : faire des choix et prioriser.

Les premières semaines se contenter du présent.
Passer ensuite rapidement au futur et à l’imparfait qui sont simples. Ensuite passer au passé composé, simple lui aussi.
Faire une longue impasse sur le passé simple.
Réviser souvent tous les verbes irréguliers (donc un nombre important car il y en a beaucoup) ce qui devient facile dès qu’on a trouvé la logique - il y en a - de ces irrégularités.

Commencer progressivement à placer des subjonctifs présents, assez faciles à conjuguer, moins facile à placer, mais très utiles dans cette langue.
Dire quelques passés simples de temps en temps (mais ce n’est pas facile), puis un peu plus. Commencer progressivement à utiliser le subjonctif passé, très utile aussi.
  • Mon deuxième outil : www.espagnolfacile.com. Une mine de leçons et d'exercices. Ce site est très pratique pour s'entrainer, de manière (presque) ludique. On peut s'y faire un guide de travail, avancer leçon par leçon et mesurer sa progression.


D'une manière générale travailler une heure par jour n'est pas un gros effort, surtout une discipline. Cela peut se faire par morceaux, dès qu'un moment se libère.


De plus, dès mon arrivée j'ai demandé que les méthodes de travail ne soient pas modifiées, que soient maintenues les réunions en Espagnol, quitte à ce que je m'exprime de temps en temps (souvent au début) en Anglais.
C'est très spécial à vivre les premiers temps car il est très difficile de suivre une réunion dans une langue peu maitrisée. Mais progressivement j'ai pu constater que je comprenais de mieux en mieux.

Bien entendu il y a des gens qui parlent lentement, d'autres qui parlent vite, des accents plus ou moins marqués, mais au fil des mois je me suis rendu compte aussi que les points durs disparaissaient progressivement (quel plaisir finalement de comprendre "dans le texte" M.... qui parle plus vite que son ombre). 

J’ai demandé à ne recevoir que des mails en Espagnol (donc pas d’effort de traduction pour les personnes qui devaient m’écrire). 
Et de mon coté j’ai, dès le début, fait l’effort d’écrire systématiquement en Espagnol en passant si nécessaire par l'aide du traducteur Google. Certes cela prend un peu plus de temps pour chaque message, mais chaque message devient aussi un exercice, donc une source de progrès.


Deux remarques néanmoins concernant l'usage d'un traducteur :

  • L’utilisation du traducteur doit se faire dans le bon sens, c’est-à-dire qu’il s’agit d’écrire dans le langage cible (en l’occurrence le Castillan) pour vérifier si il est compris par l’outil. L’utilisation dans l’autre sens (du Français pour obtenir un texte en Castillan) ne fait absolument pas progresser (c'est d'ailleurs même potentiellement dangereux).
  • Attention aussi car le traducteur est un ami trop attentionné. Je me rappelle avoir utilisé le mot « remarquas » que Google m’a sympathiquement traduit en « remarques ». Surprise quelques jours plus tard … ce mot n’existe pas !


J'ai fait en sorte de parler souvent, le plus possible, dans les magasins, au restaurant, dans le taxi, au club de sport ..... j'ai posé beaucoup de questions, créé des discussions, parlé, parlé ...


L'utilisation du copier/coller (oral ou écrit) d'expressions utilisées pas les collègues est un principe très efficace. Une expression fonctionne, est employée souvent ? Il faut la faire sienne et l'utiliser aussi (et, miracle, ça marche !).
Un truc que j'ai découvert : regarder les gens quand ils parlent !
Regarder quelqu'un parler décuple la compréhension qu'on peut avoir de ce qu'il dit. 
J'ai fait l'expérience de regarder/ne pas regarder/regarder/etc .... mes interlocuteurs, et la différence est incroyable !

Très rapidement j'ai pu mesurer ma progression
  • participation presque active à des réunions en un peu plus d'un mois,
  • animation de réunions au bout de deux mois de présence.
  • compréhension de séminaires ou de réunions de managers au bout de trois mois.
  • présentation en Direction Générale en six moi
  • et lors de mon départ, un an après, un discours entier totalement en Castillan.

Mais parler et écrire c'est finalement facile.La difficulté est de savoir débattre.: alors que je savais animer des réunions, présenter et défendre des dossiers, il me manquait le débat, qui demande beaucoup plus d'expérience et d'aisance.

Savoir débattre en réunion quand il y a de l’opposition ou tout simplement de l’échange c’est important. Cela demande bien plus que de savoir aligner des mots et des constructions grammaticales.
Je me suis senti démuni quelquefois, comme si une partie de moi me faisait défaut… et je me suis rendu compte à quel point la maîtrise de la langue et du débat est un facteur important dans notre travail d'ingénieur et de manager !


Pour finir, au delà des mots il y a aussi les expressions. J'ai mis un bonne dizaine de jours à comprendre que personne ne réagissait quand j’écrivais « Necesitamos hablar de eso » (nous avons besoin de parler de cela) . En effet un Espagnol va dire « Necesitamos sentarnos » (nous devons nous asseoir) ou « Nos sentamos y hablamos » (asseyons nous et parlons). 
On s'assoie et on parle. Tout un programme qui dit qu'on prend le temps de se parler ..... 


 

dimanche 6 novembre 2011

L'homme manager ?

C'est un questionnement qui aurait pu paraître autrefois totalement contradictoire avec ce qui s'apprenait en formation de management.
On y parlait plus de personnage, de rôle, du lieu de travail comme un théâtre ou une scène, de la vie comme un théâtre aussi finalement, car si on admet que "manager" ne se fait pas seulement dans l'entreprise (relire "L'avenir du management" de P. Drucker), il faudrait alors toujours porter un masque (comme sur la planète "Kohm" de Godard/Ribera) ?

C'est un questionnement que demande si le manager doit faire apparaitre l'homme, se montrer homme, si quelquefois même l'homme doit même se montrer plus que le manager.
Finalement, c'est un questionnement sur le dosage autant que sur la dualité.

Pour être un bon manager être surtout un homme, juste un homme, qui serait un manager, tout simplement, mais avec tout ce que cette notion embarque et tout le sens que cela doit porter.

Je dis souvent que je préfère travailler avec des hommes qu'avec des robots.
Bien que persuadé de la nécessité de méthodes et de (quelques) processus, je ne veux pas tout réduire à cela et je préfère faire confiance aux hommes, dans un contexte de méthodes et processus suffisamment établi. 
Disons que la aussi c'est une affaire de dosage (hommes/méthodes/processus).

Les bons ouvrages sur l'intelligence émotionnelle nous guident aussi dans cette direction, celle de l'humanité et des émotions. Et d'ailleurs comment ressentir, comment utiliser ses émotions et celles des autres sans être un homme ? Mission impossible, ou irréaliste !

Même S. Jobs dans son "Soyez fous" fut incroyablement homme.

D'une certaine manière la meilleure réponse c'est A. Camus qui la donne dans "La peste" : 

"Je n'ai pas de gout, je crois, pour l'héroïsme et la sainteté. Ce qui m'intéresse, c'est d'être un homme" .... 
 
..... et notre héros (le Dr Rieux) de continuer à accomplir sa lourde mission avec engagement, rigueur, bravoure et humanité  .....