samedi 26 mars 2011

Une histoire de cap, et de sens

C'est l'histoire d'un bateau, d'un skipper, et d'un gamin.

Après une longue ballade, de retour près du port le skipper donne la barre au gamin et lui dit "vise le poteau là".

Le gamin trouve stupide de viser un poteau avec la barre, mais le fait. Pendant 10 minutes il vise consciencieusement le poteau avec la barre, pendant que le skipper s'affaire à l'intérieur.

Au bout d'un moment le skipper se préoccupe de la situation et se rend compte que le bateau n'est pas du tout à l'endroit attendu.

Le skipper, montrant le mas : "Je t'avais dit de viser là, qu'as tu donc fait ?"
Le gamin : "Tu ne m'as pas montré le mas, tu m'as dit de viser le poteau là. Ca fait dix minutes que je le vise !"
Le skipper : "Poteau ou mas c'est pareil, c'est là qu'il fallait viser"
Le gamin : "Mais si tu m'avais dit d'aller tout droit j'aurais compris, car c'est bien ça finalement que tu voulais, non ?"
Le skipper : "Oui, mais ce n'est pas compliqué de comprendre qu'il faut viser le mat quand je te demande de le viser ..."

Ce que je retiens de cette histoire, en tant que leader :

  • les mots sont importants, ils portent du sens, il faut savoir les choisir,
  • il ne faut jamais prendre les gens, ses collaborateurs, ses partenaires, pour des imbéciles ou des non-comprenant. Il faut respecter leur intelligence, et faire appel à cette intelligence. Ils comprendront, si nous savons expliquer (S André dans "Le secret des orateurs" explique d'ailleurs que l'orateur est seul responsable de l'état de son public ...),
  • il vaut mieux toujours donner du sens, montrer l'objectif, plutôt que de distiller un ensemble d'instructions mécaniques,
  • autant que possible il faut construire l'objectif et le sens ensemble car cela génère une meilleure adhésion, et des propositions qui n'existeraient pas sans cette co-construction et ce partage.

Ce que je retiens de cette histoire, en tant que managé :

  • il ne faut pas accepter les instructions stupides, ou peu claires,
  • face à de telles instructions, ne pas hésiter à questionner, à demander précisions ou ajustements,
  • si nécessaire expliquer pourquoi l'instruction doit être revisitée, mais surtout ne pas oublier de proposer une autre solution, en poussant vers le sens.

Épilogue :

  • le skipper a bien réussi sa vie professionnelle en tant qu'expert et manager d'un cabinet de conseil, mais il a vendu son bateau ;-)
  • le gamin a un peu grandi, il continue sa carrière de leader, et reste un éternel apprenti, en recherche constante d'expériences, de connaissance, avec une ambition soutenue de progrès et de partage.

PS : je dédie ce billet au skipper, et à celle qui m'a donné envie de raconter cette histoire.


lundi 21 mars 2011

La cible, le cap, et les valeurs

Dans nos projets, nos plans d'actions, nos démarches, comment savoir où nous allons, et où nous sommes ?

Je ne parle pas là d'un Gantt, d'une feuille Excel ou autre tableau de suivi, mais d'une vision sur la cible, sur le cap à tenir, sur l'état d'avancement, les écarts visibles et les ajustements éventuels à apporter.

La notion de cap est importante dans ma manière de piloter. Le cap montre la cible, il nous amène à cette cible. Je sais ou je vais, je sais comment j'y vais. Garder le cap c'est tout faire pour atteindre la cible.


Il peut quelquefois (souvent même) être nécessaire d'ajuster la cible, car le monde change. Cela n'est possible que si nous connaissons cette cible et savons exprimer l'ajustement à apporter. Sinon comment savoir que nous sommes en train d'effectuer un changement, et comment le gérer ?

Cette trivialité est importante, mais j'ai été quelquefois confronté à des équipes qui ne se définissent pas de cible (donc pas de cap) parce qu'il y a trop d'inconnues ou de flous. Certains préfèrent errer dans le brouillard ...


J'explique alors est qu'il faut malgré tout définir une cible, la communiquer, et ajuster à chaque fois qu'une inconnue saute ou qu'un flou s'éclaircit, en profitant du moindre rayon de soleil ou coup de vent. Même dans l'incertain il faut se donner une cible et un cap (la particularité est qu'il faudra les ajuster plus souvent).
En effet, dans ce cas comme dans beaucoup d'autres il vaut mieux être approximativement juste que précisément faux. Donc je commence par savoir "à peu près" ou je vais (vision de la cible), le chemin pour y aller (je prends mon cap), et chaque éclairage supplémentaire m'apporte une compréhension complémentaire et me permet d'ajuster.
 
Ainsi dès le lancement d'un projet, d'une action, d'un plan d'actions
:

  • il s'agit de disposer d'une vision de la cible (je préfère parler de "vision de la cible" que dire "connaitre la cible")
  •  la cible étant connue, il faut définir le chemin (étapes et planification) pour y arriver ; il s'agit donc de se donner un cap
  • il est aussi nécessaire de disposer de valeurs partagées au sein de l'équipe, et "répandues" dans le monde sans lequel elle s'insère. Ceci fait partie de la tenue du cap et sera important lors des processus de décision (billet à venir ....)
  • il faut de même s'assurer de la connaissance du monde dans lequel nous évoluons

Quelques exemples de valeurs déployées récemment dans un programme :

  • "Demander la vérité, dire la vérité", 
  • "Respecter les personnes", 
  • "Faire confiance aux experts", 
  • "Maintenir la stratégie", 
  • "Prioriser sur des critères business" ....

Concernant la connaissance du monde, et la connaissance de ses évolutions, le rôle du leader est surtout d'être l'antenne qui capte l'information, la comprend, la décrypte et la retransmet, pour que l'équipe comprenne et sache agir. Cela sera important dans le cadre aussi des préparations de décision (billet à venir ....)

Par ailleurs il ne faudra pas oublier de communiquer. Une cible, un cap, cela se partage,  se communique, se vie ensemble.


vendredi 18 mars 2011

On n'est pas à l'abri d'un succès (bis)

Finissant "La peste" de A. Camus j'ai noté ce passage (chapitre 5), que je me permets de relier (avec tout le respect que je dois à l'auteur) à mon post précédent.

"[...] des signes spontanés d'optimisme se manifestèrent. C'est ainsi qu'on enregistra une baisse sensible des prix. Du point de vue de l'économie pure, ce mouvement ne s'expliquait pas. Les difficultés restaient les mêmes [...] On assistait donc à un phénomène purement moral, comme si le recul de la peste se répercutait partout."

dimanche 13 mars 2011

Nous ne sommes pas à l'abri d'un succès

A l'approche du succès, avant qu'une quelconque démonstration factuelle ne puisse être faite, il y a quelque chose dans l'air, comme une vibration annonciatrice.

Cette vibration se sent dans certains résultats, dans la manière de les obtenir, dans le langage verbal ou corporel de l'équipe, dans certaines positions nouvelles ou prises d'assurance.
Elle se sent aussi dans le regard de partenaires, et dans le changement d'attitude de certains sceptiques.

Sans que quiconque n'en soit conscient chacun donne un signal du succès qui s'annonce.
En tant que leader mon rôle est de capter ces signaux et de les traduire en mots, en actes, et en opportunités.

Mon expression favorite est alors de dire que nous ne sommes pas à l'abri ..... d'un succès.

Ceci arrivant aussi en général à un moment où l'équipe commence à fatiguer, après une période d'efforts intenses, mon rôle est alors d'insuffler une nouvelle dynamique.
Il s'agit de transformer cette vibration en énergie renouvelée, pour lui permettre de se relancer sur la dernière ligne droite, à l'image du coureur de fond qui mobilise ses dernières forces pour un sprint final.

Lorsqu'on est en mode projet c'est aussi le signe que viendra sans-doute bientôt le moment, non pas de se dire adieu, mais "au revoir, à la prochaine fois" ... (après avoir célébré le succès bien sur !)

vendredi 4 mars 2011

Lâcher prise

Lâcher prise ....
Il m'a fallu du temps pour comprendre ce que cela pouvait signifier, et je ne peux prétendre encore avoir tout compris, mais il me semble que je progresse ....


Tout d'abord j'ai été confronté à ce que je pourrais appeler le lâcher prise managérial.
Cela a commencé par un consultant qui me conseillait de lâcher prise, en s'appuyant sur la démonstration que je maintenais trop de contrôle.
Je ne suis pas aujourd'hui bien certain que le dit consultant ait lui même à ce moment totalement lâché prise, puisque cette conclusion arrivait après un moment de tension lors d'un entretien de coaching, mais peut être avait-il généré volontairement cette situation ....
Il me conseillait de lâcher prise dans certaines situations de management, et me promettait la peur de ma vie (sic), mais aussi une dimension supplémentaire.
Fort de l'opposition "trop de contrôle"/"lâcher prise" finalement assez facile à appréhender je me lançais dans l'expérience lors de quelques réunions de suivi de mes projets. Chaque fois que j'étais tenté de prendre ou maintenir le contrôle je me demandais si cela était bien nécessaire. Si la réponse était non, je m'abstenais ... en faisant en sorte de ne rien laisser paraître .....
Je n'ai pas eu la peur de ma vie, juste "quelques crispations" en attendant de voir arriver les résultats escomptés, mais finalement force a été de constater que cela fonctionnait, et fonctionnait bien.

La leçon au bout de quelques mois d'exercices a été que :

  • rien ne sert de maintenir le contrôle quand les personnes présentes ont le niveau d'autonomie ou d'implication (idéalement les deux) nécessaires.
  • libéré d'un contrôle inutile les membres de l'équipe produisent mieux, et finissent par se lâcher, cette fois ci dans la production d'idées et d'initiatives, donc beaucoup de bonnes surprises,
  • ils assument d'autant mieux ce qu'ils ont produit (ça ne leur est pas imposé),
  • libéré d'une tâche de contrôle peu utile, le manager peut se consacrer à l'écoute (auditive, visuelle, langage des mots et du corps, langage des émotions) de son équipe, et tirer profit, pour le bien de tous, de ce qu'il voit ou entend, des messages que les mots ne disent pas,
  • il faut garder une certaine vigilance car si il peut être quelquefois nécessaire de reprendre prise (capter les bons signaux),
  • l'habitude se prend de lâcher prise, comme si le cerveau se décablait d'un mode "contrôle" en mode "lâcher", et au bout d'un certain temps cela devient le mode de fonctionnement "par défaut" en remplacement de l'ancien (sans annuler bien sur la capacité de contrôle, mais cette fois-ci à bon escient).
Ensuite j'ai pu aborder le lâcher prise personnel.
La meilleure illustration est celle donnée par S André (lire son excellent livre "Le secret des orateurs").
Lors d'un discours, ou d'une présentation en public :

  • maitriser son sujet,
  • utiliser le "regard porté global",
  • ne pas essayer d'interpréter les signaux du public, reçus grâce à ce regard (ndlr : écouter nos émotions ce sont des messages aussi),
  • laisser faire notre cerveau, il est bien plus puissant que nous, il saura décoder les messages et les exploiter en temps réel,
  • laisser notre cerveau, fort de ce qu'il a capté, adapter le discours (sur la base de ce qui est maîtrisé).
Quelques exercices bien guidés permettent de s'entraîner, et quelques tests en situation réelle (simulée ou non) permettent de se persuader que cette technique (qui ne se limite néanmoins pas à cela) est très efficace.

Il m'est apparu récemment aussi deux exemples (très différents) de la puissance du lâcher prise :

  • lors d'une descente à ski (pour peu qu'on maîtrise la technique bien sur) il est plus efficace de laisser son cerveau prendre les décisions plutôt que d'essayer de prendre le contrôle. Fort de notre maîtrise technique et de notre expérience, notre cerveau sait que faire ; vouloir prendre le contrôle revient souvent à penser en retard, s'emmêler (ça va vite) et conduit droit à la chute,
  • la méditation, libère le cerveau d'un contrôle inutile, et lui permet de produire des idées, des états de lucidité rares, de se recabler sans contrainte.
Et puis il y a aussi toutes les situations au cours desquelles il ne sert à rien de vouloir contrôler, car il n'y a rien à contrôler, donc autant lâcher. Et c'est autant de stress en moins ....