dimanche 8 janvier 2012

La tête et les tripes

C'est l’histoire de trois casseurs de cailloux. Ces trois hommes sont occupés à casser des cailloux dans une carrière. 

Arrive un visiteur qui leur demande : « Que faites vous là ? ». 
  • Le premier répond : « Je casse des cailloux. »
  • Le second : « Je gagne ma vie. »
  • Le troisième : « Je participe à la construction d’un édifice majeur pour la communauté de mon village. »
Lequel des trois sera le plus efficace, le plus motivé par son travail ?

Cet exemple est reproductible dans nos domaines et industries. 

Un développeur informatique pourrait répondre « Je code du Java. », un autre « Je gagne ma vie. », un troisième « Je participe à la création d'un produit qui demain sera leader du marché. ».

Pourrait même arriver un quatrième développeur qui dirait  "Je participe à un projet majeur pour nos clients, qui leur permettra de ..... ". Celui là aura saisi tout le sens ....

Ceci me permet de revenir à un sujet qui m'est cher : le sens. Toujours penser à donner du sens.

Je participais récemment dans une réunion de pilotage de projet. Au cours des discussions l'équipe en charge de la réalisation cherchait à comprendre le planning du projet, et les jalons qu'on leur demandait de respecter. 

Leur préoccupation (et la mienne aussi d'ailleurs) était de comprendre comment s'insérait leur travail dans le projet de son client, de comprendre en quoi leur travail servait le client, en quoi il rendait service. Tout le monde comprenait contenu, livrables, planning et jalons, mais chacun voulait savoir quel objectif cela servait, et en quoi cela le servait.
Malheureusement les réponses qui étaient faites étaient basées sur le contrat. Les jalons sont contractuels, le planning est contractuel, les livrables sont contractuels.

Bien sur il faut respecter les contrats, ceci est une de nos responsabilités les plus importantes. Nous prenons des engagements vis à vis de nos clients, nous devons les respecter, il n'y a aucun doute sur ce point.

Par contre une fois ces engagements pris, et une fois ce principe de respect posé définitivement, qu'est ce qui donne de plus de sens à l'action ? Le contractuel ou le service réellement rendu ? Le document ou les hommes avec qui l'équipe travaille, et à qui elle permet d'atteindre un objectif plus large que le sien ?

La première justification (le contractuel) parle à la tête, le second (le service rendu, les hommes à qui il est rendu) parle surtout à nos tripes. La première justification parle à notre intellect, la seconde parle au moins autant à nos émotions et sentiments (le plaisir d’être utile, la conscience de servir, la participation à un objectif plus large) qu'à notre intellect (la compréhension du pourquoi).

Sommes nous plus pilotés par notre tête que par nos tripes ? 

Je pense que dans la recherche du sens il faut savoir parler les deux langages. Parler à la tête (le contrat, les engagements, le pourquoi) et parler aux tripes aussi (à quoi le travail va servir, en quoi il rend service aux autres, ...).

Il faut savoir allier les deux langages.

Merci d'avance pour vos commentaires, sur ce sujet qui me tient à coeur.




8 commentaires:

  1. Très intéressant.

    Pour l'anti-thèse, AMHA, il faudrait un petit chapitre sur la frontière entre la "motivation par le sens" (positif) et la "manipulation par l'enjeu" (les abus, sous couvert que la mission est importante et comprise, le manager en profite pour demander + que de raison ou nécessaire)

    Le collaborateur est alors plutôt pris à la gorge qu'aux tripes ou à la tête :-D

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  2. Merci pour ce commentaire très judicieux.

    Oui effectivement, ceci arrive quand on manipule en s'appuyant sur la motivation.

    Je vais y penser pour un des prochains billets. Mais je pense qu'on peut déjà dire que "c'est un fusil à un coup", car celui qui s'y fait prendre retient la leçon pour longtemps.

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  3. Arrive un visiteur qui leur demande : « Que faites vous là ? ».
    Le forçat répond: « Je casse des cailloux. »
    Le manutentionnaire : « Je gagne ma vie. »
    Et le membre investit par la communauté : « Je participe à la construction d’un édifice majeur pour la communauté de mon village. »

    Cet exemple est reproductible dans nos domaines et industries.
    Un développeur informatique pourrait répondre
    - «Je code du Java», en tant que pisseur de code en SSII.
    - un autre « Je gagne ma vie. », en tant que pisseur de code en SSII qui a pas trop mal négocié son salaire.
    - un troisième « Je participe à la création d'un produit qui demain sera leader du marché. » et le top est qu'on m'a associé aux bénéfices.

    Dans notre société de communication on oublie trop souvent que donner du sens n'est pas qu'un outil marketing.

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  4. Bonjour
    Merci pour cette remarque pertinente.

    A titre personnel je préfère penser effectivement que considérer ses équipes comme des forçats ou des pisseurs de ligne est une stratégie perdante dès le premier instant !

    Nous gagnons tous à considérer les autres, quelle que soit leur position. La première valeur étant celle du respect de l'autre.

    Concernant l'outil marketing, je pense aussi (comme vous je suppose) qu'une démarche qui ne serait que de l'affichage est aussi vouée à l'échec.

    Il me plait à croire (j'espère ne pas me tromper ;-) que certains d'entre nous visent à plus que du simple affichage, mais il est indéniable que cet effet peut exister.

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  5. En France les développeurs sont juste des pisseurs de code (8 heure par jour)

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  6. Bonjour
    Dans d'autres pays les développeurs sont effectivement mieux considérés, surtout sur les activités d'innovation.

    Néanmoins il est vrai qu'en France, dans certaines sociétés ou activités, ce que vous dites peut être vrai.

    C'est, entre autres, cela qu'il faut changer ....

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  7. Il arrive qu'un chef de chantier peu enclin à la confiance craigne que le troisième casseur de pierres ne les casse selon sa propre vision de l'édifice futur en passant outre les recommandations dès qu'il n'est plus surveillé!
    Auquel cas, il casserait moins bien que celui qui ne se pose pas de questions....
    Préoccupation légitime ou symptôme de 'vieille école'?
    Se peut-il

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  8. Bonjour

    J'ai connu un Directeur Financier qui disait "La confiance à priori, le contrôle à posteriori" ...

    La confiance n'évite pas le suivi, ni le pilotage. Donc si le casseur de cailloux ne respecte pas les recommandations (dans notre métier on dirait "les spécifications") le chef ne chantier ne peut s'en prendre qu'à lui même : un bon dispositif de suivi aurait évité cela .....

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